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Ce blog va bientôt cesser d'exister, tout du moins de manière autonome. Le blog de l'Observatoire Société et Consommation (L'ObSoCo) prend progressivement la suite. D'ores et déjà les archives de ce blog y ont été transférées et chaque nouveau billet posté ici est également publié sur le site de l'ObSoCo. Je partagerai le blog de l'ObSoCo avec Nathalie Damery et Robert Rochefort, qui ont fondé avec moi l'Observatoire Société et Consommation, ainsi qu'avec l'ensemble des membres du Cercle de l'ObSoCo... A suivre !!

 

 

http://www.asso-lobsoco.org/le-blog-de-l-obsoco.html

 

 

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19 octobre 2011 3 19 /10 /octobre /2011 09:55

Interview pour Libération.fr du vendredi 14 octobre 2011. Pour une lecture directe sur le site de Libération (et l'accès aux commentaires) : cliquer ici.

 

 

Economiste spécialiste de la consommation et du commerce, Philippe Moati explique les nouvelles annonces décevantes du groupe Carrefour.


Comment expliquer les mauvais résultats de Carrefour?


La première cause me semble commune à tout le secteur de la grande distribution: il s'agit du déclin du format hypermarché. Les raisons en sont multiples. Selon moi, cette formule héritée des Trente glorieuses, basée sur la distribution de masse, est de moins en moins en phase avec la société, qui a plutôt tendance à se démassifier. Ça faisait rêver autrefois, beaucoup moins aujourd'hui. Les formats en vogue sont désormais ceux qui s'adaptent aux consommateurs. Or Carrefour est un groupe beaucoup plus centré sur l'hypermarché que ses concurrents, notamment sur les grands hypermarchés, qui sont les plus en difficulté.


Il y a-t-il des raisons plus directement liées à la gouvernance du groupe?


Il y a sans doute un problème d'organisation. Tous les groupes de distribution cherchent le bon dosage entre centralisation et décentralisation. La décentralisation permet de mieux «sentir» les choses sur le terrain. En même temps, il y a aussi le besoin de piloter les choses d'en haut, avec une centrale d'achat, une communication nationale... Ces dernières années, Carrefour a plutôt joué la centralisation. Par exemple après la fusion avec le groupe Promodes en 1999, les enseignes Champion, etc. sont devenues Carrefour Market, Carrefour City... Là aussi, on est dans la culture de la massification. Alors que les concurrents qui marquent des points sont des groupements d'indépendants dynamiques, comme Leclerc. A un moment où il faut être agile et réactif, Carrefour manque d'énergie entrepreneuriale.


D'après les syndicats, les impératifs financiers prennent de plus en plus de place dans la gestion du groupe.


Les actionnaires de Carrefour, Bernard Arnault et le fonds Colony, ne sont pas là parce qu'ils aiment le commerce. Ce n'est pas la famille Mulliez à Auchan. Ils sont là pour faire de l'argent, et rapidement. Or dans les périodes de mutation comme celle-ci, une machine aussi complexe que Carrefour demande du temps. Le dernier directeur pour la France n'est resté qu'un an et demi. Les multiples revirements de stratégie de la direction désorientent les salariés, il devient difficile de les mobiliser autour d'un projet d'entreprise. Il faut quand même reconnaître des mérites à Carrefour. Le concept Carrefour Planet est sans doute le plus audacieux qu'on ait vu dans le secteur jusqu'à maintenant.


Carrefour souffre également d'une mauvaise image-prix...


C'est vrai par rapport à un concurrent comme Leclerc. Alors qu'en période de crise, la sensibilité des consommateurs à ce critère se renforce. Récemment encore, face à l'augmentation des prix des fournisseurs, les concurrents ont décidé de lisser les hausses de prix, alors que Carrefour les a répercutées d'un seul coup. Certes, cet écart pourrait se justifier par la qualité des produits. Mais la bouteille de soda est la même dans toutes les grandes surfaces. Du coup, Carrefour tente de réduire ses coûts, par exemple en réformant l'organisation des magasins avec l'introduction d'une sorte de taylorisme... au risque de réduire la qualité du service en magasin.


Quel crédit accorder aux rumeurs récurrentes de rachat par l'américain Wal Mart?

Cela fait vingt ans que je travaille sur la consommation et vingt ans que j'entends cette rumeur. C'est un peu un serpent de mer...

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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 13:15

Le 22 septembre dernier, à l'occasion du 14ème colloque Etienne Thil qui s'est tenu à Roubaix, j'ai eu le plaisir de débatre avec Jean-Claude Daumas, historien, de la pertinence de la notion de crise pour décrire l'épisode actuel de l'histoire du commerce. Le moins que l'on puisse dire est que nous ne sommes pas d'accord ! Si le ton peut par moment être vif, que le spectateur se rassure, c'est parce que l'un et l'autre sommes de passionnés... Nous nous entendons très bien par ailleurs, et avons bien envoie de poursuivre nos échanges pour nous enrichir mutuellement.

 

Le débat a été filmé. La vidéo peut être visionnée à partir du site de l'Universtié Lille 1, en activiant le lien :

 

http://lille1tv.univ-lille1.fr/collections/video.aspx?id=ef707fc8-d356-4442-b52b-34986a450037

 

ou en cliquant ici.

 

Le moins que l'on puisse dire est que nous ne sommes pas d'accord ! Si le ton peut par moment être vif, que le spectateur se rassure, c'est parce que l'un et l'autre sommes de passionnés... Nous nous entendons très bien par ailleurs, et avons très envie de poursuivre nos échanges pour nous enrichir mutuellement.

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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 16:42

Ce dimanche 28 août, Sud-Ouest Dimanche me fait l'honneur d'une pleine page. Une autre manière d'avoir un avant goût du contenu de La nouvelle révolution commerciale.

 

Pour une lecture directe sur le site de Sud Ouest, cliquer ici.

 

 

Propos receuillis par Jean-Bernard GILLES

 

 

« Sud Ouest Dimanche ». Dans votre livre à paraître à la mi-septembre, vous évoquez une véritable révolution commerciale à l'œuvre en France. De quoi s'agit-il ?


Philippe Moati. Nous assistons à une rupture dans l'organisation du commerce, dont l'importance est, selon moi, comparable à celle qui avait vu, à la fin des années 1950, la grande distribution commencer à se développer en France. À l'époque, le modèle commercial dominant était constitué de grands magasins, de chaînes de succursales comme Félix Potin ou Dames de France, et d'un commerce artisanal de quartier. Les supermarchés, les hypermarchés, les centres commerciaux et les grandes surfaces spécialisées comme Darty ou Décathlon se sont imposés en périphérie des villes. Le consommateur est le véritable moteur de ces changements : nous passons d'un système où la distribution organise un commerce par l'amont - du producteur au magasin, où des bas prix suffisaient à attirer le chaland - à un système où elle doit s'adapter aux nouveaux modes de consommation. Nous sommes en train de changer d'époque. Le commerce suit, il doit s'adapter.


Vous voulez dire que c'en est fini de la consommation de masse ?


Le processus est à l'œuvre, il n'est certes pas terminé. Faire venir le plus grand nombre de ménagères de moins de 50 ans vers l'hypermarché et leur proposer les prix les plus bas est un modèle déclinant. Il a été très rentable ; la grande distribution a mis du temps à accepter l'idée qu'il a fait son temps, mais elle est déjà en train d'accomplir sa mue, contrainte. Aujourd'hui, le consommateur attend un service autant qu'un produit. Pour répondre aux besoins de masse des années à venir, il faudra satisfaire une multitude de niches de clientèle aux aspirations bien distinctes. Nous sommes entrés dans l'ère du commerce de précision. Pour simplifier, nous passons d'une consommation de masse à une consommation de personnes.


Comment cela se traduit-il ?


L'évolution se fait en deux temps. On assiste d'abord à une segmentation de la distribution. Monoprix, par exemple, a orienté toute sa stratégie vers la femme urbaine, active et à fort pouvoir d'achat. L'argument prix n'est certes pas absent, mais il n'est pas prioritaire. À l'inverse, les enseignes de hard discount assoient leur succès sur les tarifs les plus bas. Elles ont vite trouvé leur clientèle parmi les personnes à faible pouvoir d'achat, mais elles proposent également une qualité de produits qui séduit aussi les classes moyennes. Enfin, dans les galeries marchandes, des grandes surfaces comme les enseignes de l'habillement ont ciblé leur clientèle en fonction de l'âge, du style ou du pouvoir d'achat. C'est ce que j'appelle le commerce de précision.


Cette tendance est-elle déjà à l'œuvre ?


Oui. Les hypermarchés ont anticipé en organisant des îlots autour d'un thème : par exemple, tous les produits bébé, du lait au landau, au même endroit. Mais l'évolution est plus radicale. À la gare Lille-Flandres, le groupe Auchan vient d'ouvrir Greenway, un magasin entièrement dédié à la mobilité. On y trouve des vélos, des vêtements de pluie et tout un tas d'accessoires ou de services liés aux déplacements citadins. À la gare Saint-Jean de Bordeaux, Décathlon a inauguré une boutique consacrée aux loisirs urbains. Voilà la trajectoire typique de l'évolution. Avec sa nouvelle marque MU, Peugeot, depuis deux ans, propose chez ses concessionnaires des services de mobilité comme la location de vélos, de scooter ou de voitures. Le site Internet Deezer offre depuis un moment déjà un forfait mensuel qui ouvre à l'écoute le catalogue des majors du disque. À l'achat du produit - le CD -, on préfère désormais bénéficier d'un service - un flux musical - ou le plaisir qu'il procure. C'est une évolution lourde.


Le développement des nouvelles technologies de communication représente donc un autre accélérateur de changement ?


Évidemment. Les enseignes s'y sont toutes déjà mises. Des professionnels récemment sondés pensent qu'en 2020, c'est 24 % du chiffre d'affaires du commerce qui se fera via Internet, contre 4 à 5 % aujourd'hui. Cela me semble surestimé. Le grand magasin ou le magasin spécialisé restera un lieu de plaisir pour le client, s'il sait s'adapter. Je crois davantage à la complémentarité entre l'information sur Internet, le magasin principal et la petite antenne de grande surface pour des services complémentaires à la sortie du tramway ou du métro.


Les grandes enseignes sont-elles en train de perdre la main ?


Non, mais elles se sont mises en ordre de marche pour s'adapter à ces nouveaux comportements. Déjà, la plupart ont développé le couple supérette de quartier et grande surface de périphérie. Aujourd'hui, les grandes enseignes multiplient les canaux de distribution, comme Carrefour avec son City Café ou Carrefour Montagne. Casino a lancé ses magasins Casitalia, dédiés aux produits transalpins, et travaille sur un concept de magasins halal dans la région de Saint-Étienne. Le groupe Auchan et ses nombreuses chaînes spécialisées (Décathlon, Leroy Merlin, Boulanger, Cultura, Kiabi, Surcouf…) ont sans doute le mieux anticipé la tendance. Le groupe espagnol Index, propriétaire de Zara, possède de multiples enseignes couvrant de très nombreux segments du marché. Mais elles sont concurrencées par des nouveaux venus proposant des produits fraîcheur ou bio, de l'alimentation exotique. Le gigantisme de l'hypermarché où l'on trouvait tout n'est plus la réponse. Le consommateur veut des magasins plus petits, proches et lui offrant de nombreux services. Les magasins de proximité ont de beaux jours devant eux.


Il s'agit précisément de ceux que la grande distribution a tués dans les années 1960…


C'est un peu vrai, mais la géographie s'est modifiée. Les périphéries urbaines sont désormais ciblées par les enseignes de centre-ville. Et puis le marketing, les services et la centrale d'achats de ces nouveaux magasins sont ceux des grands groupes, pas ceux du petit artisan commerçant de jadis.


Comment caractériser le consommateur des années 2010 ?


Il veut que son achat ait du sens, sur le plan de l'environnement ou du soutien au mode de production. Il est mieux informé que son aîné et achète utile. Plus libre et plus zappeur que jamais, il reste toujours très attentif au prix. Car force est de constater que, depuis deux ans, le pouvoir d'achat fait plutôt du surplace. Qu'en sera-t-il en 2012 ? Personne ne le sait encore bien

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5 avril 2011 2 05 /04 /avril /2011 21:48

Le Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture et de la Communication vient de publier la synthèse de l'étude que j'ai réalisé au Crédoc avec Romain Picart en 2010 sur la prospective du commerce physique de bien culturels.Cette note reprend les principales conclusions de la partie prospective.

 

Avant-propos

 

Le commerce physique et la culture. Il y a peu encore,
leur rapprochement aurait pu paraître étrange et leur
prospective impertinente. Elle est devenue urgente et
nécessaire. Deux ou trois décisions financières concernant
de grands acteurs mondiaux peuvent modifier brutalement
les marchés nationaux et la diversité culturelle,
alors qu’opèrent déjà révolution numérique, transformation
des habitudes de consommation et leurs attentes.
Or, le commerce physique est un maillon économique
central de l’économie de la création, de la production et
de l’édition : il assure le passage d’une diversité produite
à une diversité distribuée, nécessaire à une diversité
consommée. C’est dans le commerce physique que voisinent
les promesses de débouchés et les risques de goulots
d’étranglement pour l’économie de l’offre culturelle,
ce qui justifie des stratégies originales.
Concurrencé par le commerce en ligne, sur lequel se
sont positionnés de nouveaux acteurs, comme par la
contrefaçon, le commerce est confronté à de nouvelles
approches des territoires et des mobilités, à des mutations
de goûts et de sorties, dans un contexte foncier
inflationniste. Peu régulé au regard d’objectifs culturels,
le commerce physique des biens culturels traverse une
zone de turbulences, certaines de ses mutations lui étant
propres, d’autres affectant l’activité commerciale dans
son ensemble.
Distinguer mais aussi comprendre l’articulation des
unes et des autres est nécessaire pour élaborer des scénarios
d’évolution des filières à horizon temporel 2015,
utiles aux acteurs du commerce culturel et aux pouvoirs
publics. L’accès à la culture et à la diversité en
dépendent.

 

Consulter la synthèse de l'étude

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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 16:53

Je participerai demain matin, de 10 à 11 h, à l'émission Service Public sur France Inter, qui sera consacrée au marketing dans la distribution (l'occasion également de parler de la hausse des prix des produits alimentaires).

 

Mes propos seront nourris de l'étude que j'ai réalisé cet hiver avec Pierre Volle, professeur de marketing à Paris Dauphine, sur la problématique de la montée en compétence marketing des grandes entreprises de la distribution.Le rapport est en ligne depuis quelques jours sur le site du Crédoc. Vous pouvez également le télécharger ici.

 

Ci-dessous, la synthèse du rapport.

 


 

La grande distribution a assis son développement sur la démocratisation de l’accès à la consommation au moyen du modèle économique du discount. Le prix bas a été son principal argument commercial. Les compétences critiques associées à la mise en œuvre de ce modèle s’articulent autour de la maîtrise des coûts de distribution et de l’accélération de la vitesse de circulation du capital. Le marketing y est peu développé ; les attentes des consommateurs à l’égard du commerce sont pensées comme relevant pour l’essentiel de la recherche du prix bas. Dès lors, le marketing se confond avec la communication, et sa mission principale consiste à mettre en avant l’image prix des enseignes. La donne change dans le courant des années 1990, et les grandes entreprises de la distribution acquièrent progressivement de nouvelles compétences en matière de marketing. Elles apprennent à connaître leurs clients et, sur la base de cette connaissance, déploient de nouvelles stratégies.

 

Une montée en compétence tardive

L’épuisement progressif du régime de croissance extensive sur lequel s’était fondé le développement des entreprises de la grande distribution conduit ces dernières à réviser leur modèle afin, notamment, de s’adapter à l’évolution des comportements et attentes des consommateurs.  L’objectif de fidélisation de la clientèle et d’accroissement du « taux de nourriture » (plus de ventes auprès de chaque client) prend progressivement le pas sur celui de conquête de nouveaux clients. L’exacerbation de la concurrence invite les distributeurs à se montrer plus attentifs aux attentes des consommateurs. Les opportunités offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) se combinent aux succès rencontrés par des distributeurs étrangers (Wal-Mart et Tesco) pour convaincre les grandes entreprises de l’intérêt d’opérer une montée en compétence en matière de marketing afin de nourrir de nouveaux positionnements stratégiques, voire d’élaborer de nouveaux modèles économiques « orientés-client ».

 

Le virage de cette montée en compétence est amorcé dans le courant des années 1990. Elle n’est pas un processus homogène : son intensité est variable selon les secteurs du commerce et, dans chaque secteur, d’une entreprise à l’autre ; le mouvement n’est pas linéaire et fait apparaître des phases de flux et de reflux ; enfin, les modalités de la montée en compétence sont variables selon les entreprises, révélant, outre les écarts de positionnement stratégique, le poids des facteurs organisationnels.

 

Le virage de cette montée en compétence est amorcé dans le courant des années 1990. Il soulève la question, à la fois théorique et empirique, des modalités privilégiées pour se doter de nouveaux savoir-faire, impliquant à la fois des dispositifs techniques complexes et des qualifications pointues. L’objet de cette recherche est d’identifier la manière dont les grandes entreprises de la distribution ont engagé cette montée en compétence.

 

Sur le plan théorique, la démarche empruntée s’inscrit dans le sillage des approches évolutionnistes de l’entreprise et du courant « fondé sur les ressources » dans le champ du management stratégique. Selon ces approches, le champ des stratégies possibles pour une entreprise dépend de l’état de ses compétences. Ces dernières résultent de la manière dont sont mobilisées les ressources. Réussir à forger un avantage concurrentiel durable dépend de la capacité à faire émerger des « compétences foncières », à la fois valorisables sur le marché et qui différencient l’entreprise de ses concurrents. Pour cela, ces compétences doivent faire appel à des ressources ou à des capacités (routines organisationnelles) qui soient spécifiques à l’entreprise, c’est-à-dire non librement accessibles et difficilement imitables. Ainsi, se doter de nouvelles compétences implique d’acquérir de nouvelles ressources et de mettre en place les processus organisationnels permettant de les mettre en mouvement dans la direction souhaitée. Ces nouvelles compétences ne sont porteuses d’un avantage concurrentiel que si leur constitution suppose de résoudre des problèmes cognitifs et/ou organisationnels que chaque entreprise affronte avec plus ou moins de bonheur, en fonction de son histoire, de ses compétences préalables, de sa capacité d’apprentissage, des multiples facteurs d’inertie dont elle peut être victime…

 

La compétence marketing dans la distribution n’est pas librement accessible. Le marketing de la distribution se distingue significativement du marketing en vigueur dans les industries de biens de consommation, mais aussi du marketing des services. En outre, la compétence marketing s’inscrit plus généralement dans une démarche « d’orientation client » qui implique l’organisation dans son ensemble. La montée en compétence ne peut donc se réduire à l’acquisition de ressources génériques sur le marché, mais suppose la formation de ressources spécifiques et une refonte organisationnelle d’ensemble.

 

 

La mise en place d’un marketing « scientifique »


La mobilisation des ressources attachées à la compétence marketing s’est opérée principalement autour de deux modalités : le recrutement de personnels qualifiés (jusqu’au poste de directeur du marketing) et la mise en place de partenariats avec des prestataires de services qui ont contribué à l’implantation de dispositifs techniques et de méthodologies et ont participé à la dynamique d’apprentissage interne conduisant à la « spécification » des ressources. La coopération avec les fournisseurs a pu nourrir cette dynamique, avec les limites que constitue la conflictualité qui caractérise traditionnellement les relations industrie-commerce en France. Dans l’ensemble (et pour ce qui est des grandes entreprises), la mobilisation des ressources à la base de la compétence marketing ne semble pas avoir constitué une difficulté majeure dans la marche des distributeurs vers la maîtrise de cette compétence. Le fait est que la plupart des grandes entreprises de distribution disposent aujourd’hui d’à peu près les mêmes dispositifs et des mêmes méthodes.

 

Par le traitement des données de tickets de caisse et des informations contenues sur les cartes de fidélité, les distributeurs ont appris à observer et à mieux comprendre leurs clients. Elles établissent des typologies de clients, non pas sur la base de critères posés a priori, mais à partir des comportements observés. Ainsi, la clientèle de Carrefour est-elle segmentée en sept catégories aux dénominations évocatrices : « rapide/facile » (qui représentent 23 % de la clientèle), « plaisir » (22 %), « budget » (20 %), « tradition » (20 %), « standard » (9 %), « rationnel » (6 %). A l’aide de ces outils, les enseignes apprennent à identifier les clients les plus rentables vers lesquels doivent se concentrer toutes les attentions, à cibler les promotions, à affiner les politiques tarifaires...

 

Les possibilités d’observation des comportements des clients sont plus considérables encore sur Internet. Un site de commerce électronique ne se contente pas d’enregistrer et de mémoriser l’historique des achats de ses clients. Il est capable de les "tracer" lors de leur navigation sur le site (identification des pages vues, du temps passé sur chaque page, des liens entre les pages…), ce qui en dit long sur leurs centres d’intérêt et leurs comportements d’achat. En modifiant la composition de l’assortiment, sa présentation, son prix… sur un court laps de temps, ou en différenciant la proposition pour des échantillons distincts de visiteurs, un site de e-commerce est capable de mesurer la réaction de la demande, d’en comprendre les déterminants et de s’appuyer sur cette connaissance acquise à bon compte pour optimiser sa politique commerciale. Et nous sommes à l’aube d’assister à l’implantation en magasin de dispositifs techniques (à base de vidéo, de puces RFID, de GPS…) qui permettrons un traçage similaire des comportements, cette fois-ci in situ. Avant, peut-être, de s’étendre un jour aux comportements hors du point de vente, lors de la consommation des produits…

 

 

Des difficultés d’ordre culturel et organisationnel


Le cœur de la compétence marketing dans la distribution semble résider moins dans les ressources que dans la capacité à impulser, à coordonner, à combiner et finalement à exploiter une diversité de dispositifs au service d’une stratégie tournée vers les clients. L’adaptation des capacités organisationnelles est donc critique. Elle se révèle comme un processus complexe et progressif.

 

La culture d’entreprise dans la grande distribution est marquée par le pragmatisme et la valorisation de l’expérience du terrain. Elle  a souvent constitué un obstacle au passage d’un marketing intuitif à un marketing « scientifique » (i.e. outillé et opéré par des spécialistes qualifiés). De même, le processus de montée en compétence a souvent été entravé par les conflits de territoires que suscite inévitablement la création de nouvelles zones de responsabilité et d’influence.

 

Ces facteurs d’inertie organisationnelle semblent avoir agi puissamment au cours des premières années de la montée en puissance du marketing dans la distribution. Ils se sont relâchés depuis, principalement sous l’effet de la rotation du personnel et du renouvellement des équipes. Ils ont cependant marqué la manière dont s’est construite cette compétence. Si certaines entreprises ont fait le choix d’une compétence marketing concentrée dans une direction marketing puissante, d’autres – semble-t-il plus nombreuses – ont opté pour une fonction marketing gérée de manière plus diffuse, présente dans chaque direction, qui s’efforce de mettre en cohérence les différentes fonctions. C’est le « category management » qui incarne le mieux cette approche.

 

Les modalités empruntées par la montée en compétence marketing ont pour conséquence que cette compétence, souvent, est aujourd’hui mobilisée d’abord pour optimiser le back office, pour conférer de nouvelles sources d’efficacité au modèle du discount par un pilotage des flux par la demande. Ainsi, cette compétence est aujourd’hui avant tout mobilisée pour définir avec précision quels produits mettre dans chaque magasin, dans quelles quantités, à quel prix, sur quel linéaire… Mais la dissémination de la fonction marketing au sein de l’organisation est peut-être également l’opportunité, en infusant la culture du client à toutes les échelles de l’organisation, d’accélérer le processus d’orientation-client et l’abord de nouveaux modèles économiques.

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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 16:35

Voici le texte d'une interview publié dans le dernier numéro de la revue  Constructif (n° 3, février 2011), qui comporte un dossier consacré au "nouvelles frontières du low cost".

 

(pour un accès à l'interview sur le site de Constructif, cliquer ici)

 

 

Fondé sur un modèle économique très élaboré, le hard discount a pris une place croissante dans la distribution alimentaire en France au cours des années 1990 et 2000. Si aujourd'hui son développement se trouve freiné, voire interrompu, il reste un important acteur dans ce marché qui n'est pas au bout de ses transformations.

 

Comment définir le « low cost » dans la grande distribution ?


Philippe Moati. Dans la distribution comme ailleurs, le « low cost » est avant tout un modèle économique, c'est-à-dire, la conjugaison d'un front office (ce que voit le client), qui s'exprime par une proposition de valeur au client, d'un back office (comment on « produit » la proposition de valeur) et, enfin, d'un modèle de rentabilité (comment on gagne de l'argent).

 

Dans le cas du « low cost » - que l'on appelle plutôt hard discount dans la grande distribution -, le modèle de rentabilité repose sur la rente différentielle associée à la minimisation des coûts, couplée à une rotation rapide du capital. L'idée est de gagner de l'argent avec des marges réduites en engageant le moins de capital possible et en le faisant tourner rapidement.

 

Le front office est centré sur le prix bas à travers un commerce de proximité facilement accessible, y compris en centre-ville, mais pas situé dans les emplacements les plus onéreux. Le magasin fait l'objet d'aménagements sommaires, autant pour contribuer à en limiter le coût que pour donner à l'enseigne une image de compétitivité et de « prix bas ». Tous les détails sont pensés dans cette optique - y compris un chauffage moins important ou des éclairages moins sophistiqués : il n'y a pas de « petites économies » dans le « low cost » ! Le personnel est moins nombreux et plus polyvalent que dans d'autres types de commerces : souvent rémunéré au SMIC, il doit suivre des procédures prescrites et dispose de peu d'autonomie.

 

Le back office, d'inspiration taylorienne, repose sur la mobilisation de compétences et d'outils permettant de réduire les coûts et de mettre les flux sous tension. Dans sa forme la plus radicale, le hard discount ne propose qu'une référence « low cost » par catégorie de produits : elle tourne vite et de façon prévisible, ce qui permet d'optimiser la gestion des stocks. Le côté high tech du « low cost » se trouve dans la technologie mise en oeuvre pour avoir la bonne quantité de produit au bon moment et au bon endroit. La logistique est le coeur du métier sur ce marché.

 

Et le produit dans tout cela ?


P. M. Puisqu'il ne doit y avoir qu'une seule référence par produit, vendue le moins cher possible, le distributeur vend sous sa marque propre. Il cherche donc des partenaires - souvent des PME - pour en assurer la production « juste à temps », c'est-à-dire capables de se plier aux exigences de sa logistique.

 

Mais un produit vraiment pas cher peut être considéré comme de mauvaise qualité par le consommateur, donc le distributeur s'engage sur un standard : ce n'est ni du bas de gamme, ni de la surqualité, mais de la qualité « standard ». Et cela marche : 75 % des consommateurs pensent que les marques de distributeurs sont de qualité équivalente aux grandes marques.

 

Comment ce mode de distribution est-il apparu ?


P. M. Les supermarchés américains et les magasins populaires des années 1930 ressemblaient beaucoup au hard discount d'aujourd'hui. Mais de nouvelles formules commerciales se sont développées, qui se sont traduites par une augmentation des prix et une sorte d'embourgeoisement de ces commerces.

 

Après la guerre, c'est en Allemagne que le hard discount est apparu avec l'ouverture de petites surfaces de proximité proposant des prix très bas. Il a fallu attendre les années 1970 pour que le modèle soit exporté en France - ED, par la suite acheté par Carrefour, en a été l'un des précurseurs en 1974. Mais c'est surtout à partir de 1988, avec l'arrivée des enseignes allemandes comme Lidl, que le concept s'est développé. Ces enseignes ont dû adapter certains de leurs produits au goût français, mais le modèle est fondamentalement le même. Aujourd'hui, 14 % du chiffre d'affaires alimentaire en France est réalisé dans des magasins hard discount, un niveau important, bien que très inférieur à celui observé en Allemagne (45 %).

 

Cette part continue-t-elle d'augmenter ?


P. M. Quelques années après l'arrivée des distributeurs allemands, la loi Raffarin de 1996 a abaissé le seuil de demande d'autorisation pour l'ouverture de nouvelles surfaces commerciales, ce qui a rendu leur développement plus difficile. Et pourtant, cela ne les a pas empêchés de conquérir le marché alimentaire à un rythme rapide (près de 1 point de part de marché par an...). Ce qui a suscité une certaine panique chez les distributeurs traditionnels, d'autant plus que la loi de modernisation de l'économie (LME) a fait sauter le verrou de la loi Raffarin... Depuis deux ans, toutefois, le hard discount stagne, voire baisse, parfois sensiblement, alors qu'il continue à ouvrir de nouveaux magasins.

 

Comment expliquez-vous cela ?


P. M. L'écart de prix avec les hyper et les supermarchés s'est réduit (conséquence, là aussi, de la LME). Ces derniers sont devenus plus agressifs et ont développé des marques d'entrée de gamme destinées spécifiquement à concurrencer le hard discount.

 

Parallèlement, les distributeurs « low cost » ont voulu étendre leur clientèle, oubliant qu'ils constituaient un vrai « commerce de précision » dont la vocation principale est de satisfaire les catégories de clientèle les plus sensibles au prix. Afin de séduire des clients rebutés par certains aspects de la formule, les distributeurs du hard discount ont commencé à vendre des produits de grandes marques, leur offre s'est enrichie, ils se sont mis à proposer des cartes de fidélité et à faire des promotions... En conséquence, ils ont édulcoré leur concept et leur gestion est devenue plus complexe. Ils conservent néanmoins une bonne rentabilité.

 

Et maintenant ?


P. M. Si l'on continue comme cela, ce type de commerce va se banaliser avec un rapprochement du soft et du hard discount. C'est le scénario le plus probable. L'avenir est sans doute dans l'hybridation : on ira vers un modèle plus qualitatif, avec plus de choix, des produits plus innovants, une meilleure image des magasins... avec un back office qui améliore au maximum la production, un peu sur le modèle d'Ikea.

 

Le hard discount s'est néanmoins durablement installé dans le paysage et il gardera une part de marché significative. On peut imaginer qu'il se déclinera : alors que certaines enseignes évolueront vers le soft discount, d'autres miseront sur un retour sur les fondamentaux du modèle « low cost ».

 

Qu'est-ce que le hard discount a fait changer chez les consommateurs ?


P. M. Plus personne n'a peur d'entrer dans un magasin hard discount. Si ceux qui font l'essentiel de leurs courses dans ce type de magasins sont les plus pauvres, les autres y font une partie de leurs achats, pour faire des économies sur des consommations sans enjeu afin de pouvoir dépenser plus ailleurs, voire pour faire un pied de nez à la grande distribution classique. Le hard discount a contribué à révéler que l'on pouvait trouver pratiquement n'importe quel produit moins cher et à semer le doute dans l'esprit des consommateurs sur le « juste prix », suscitant une certaine défiance vis-à-vis des vendeurs et des prix qu'ils proposent.

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 18:17

Le commerce en 2020 vu par les décideurs

 

 

Le CREDOC vient de rendre public l'enquête que nous avons réalisée cet été auprès des décideurs de la distribution en les interrogeant sur leur vision de l'avenir du secteur du commerce à l’horizon 2020. Les résultats sont étonnants... et témoignent de ce qu'un important travail de refondation de la culture sectorielle est intervenu au cours des années récente.


93% des décideurs sont convaincus qu'au cours des dix prochaines années, le secteur est appelé à connaître des transformations plus importantes encore que celles qu’il a vécu au cours des dix dernières années, et un sur trois considèrent que ces changements seront d’une ampleur équivalente au choc provoqué par l’apparition de la grande distribution dans les années 1960.

Interrogés sur le contenu de ce changement et le commerce qui en résultera, 64% évoquent le rôle déterminant des nouvelles technologies pour le commerce de demain. En moyenne, ils estiment que le poids du e-commerce s'établira en 2020 à 24%, soit une multiplication par 4 ou par 5 par rapport au poids actuel ! Près de 70 % soulignent le rôle des mutations sociétales qui devraient conduire à d’importants changements dans les attentes et les comportements des consommateurs.


En ce qui concerne les efforts qu'ils auront à opérer pour s'adapter à ce nouveau commerce, près de 60% retiennent la capacité à créer une relation plus profonde et plus riche avec le client.


Quant au paysage commercial de demain, l'avenir semble être à la proximité et au commerce de centre-ville, en particulier dans les villes petites et moyennes.

Manifestement, sur le plan des représentations tout au moins, les distributeurs sont en train de tourner la page de la distribution de masse discount. Ils semblent massivement convaincus que le commerce de détail sera orienté client, travaillera les marchés de manière chirurgicale et adoptera, notamment grâce aux nouvelles technologies, une posture de plus en plus servicielle...

Dans la mesure où les visions d'avenir contribuent à la définition des stratégies, on peut donc s'attendre, au cours des prochaines années, à une accélération des mutations engagées dans le secteur du commerce.


 

Trois modes d'accès aux résultats de cette étude (tous trois également accessibles depuis le site du Crédoc)

 

1. Une courte vidéo de présentation des principaux résultats.

 

 


 

2. Une synthèse à télécharger

 

3. Le rapport complet à télécharger

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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 18:33

Amazon vient d'ouvrir ouvrir en France son site Javari, créé en  Grande Bretagne en 2009, spécialisé dans la vente de chaussures. Le site Javari est accessible en direct (www.javari.fr), ou via la page d'accueil d'Amazon sur laquelle apparaît désormais une boutique "chaussures" (on retrouve alors les normes de présentation propres à l’ensemble du site Amazon).


Javari arrive ainsi en France avec ce qui le distinguait déjà outre-manche. Même s'il s'agit de vendre des produits (et non d'assurer une quelconque "fonction" pour le compte du client, ni de lui apporter une "solution" intégrée à un problème particulier), ce site appréhende la vente de chaussures de manière innovante et qui s'inscrit résolument dans la perspective d'une économie des effets utiles. La démarche de Javari pourrait à ce titre inspirer des réflexions salutaires à l’ensemble des acteurs intervenant sur les marchés de la grande consommation.


Qu’y a-t-il de si remarquable sur ce site de vente en ligne ? Le premier point qui mérite attention n’est pas l’apanage de Javari. Il consiste dans un ensemble de dispositifs mis en œuvre pour aider le consommateur à optimiser son achat parmi les 6000 références proposées. Autrement dit, à fournir un grand nombre d’informations et d'en faciliter l'accès afin de créer les conditions d’un ajustement fin entre les caractéristiques du produit et les attentes des clients, condition nécessaire (mais non suffisante) à la réalisation d’achats non déceptifs.


Ça commence par l’assistance du client dans la définition de son ensemble de choix. Les clients sont invités à sélectionner une catégorie de chaussures (pour les chaussures pour homme : « à lacets », » baskets mode », « boots et chaussures montantes »… ), puis la ou les marques recherchées, la pointure, la famille de couleurs, et pour finir la gamme de prix.

 

Javari.PNG


Ça continue avec la visualisation du produit. Ce dernier est visible dans chacun des coloris proposés. Une demi-douzaine de vues du produit sont proposées (vision à 360°), avec pour chacune une fonction loupe qui permet d’observer les moindres détails de chaque partie de la chaussure. Ensuite, la partie « description » est très détaillée (enfin, en général…). En cas de besoin, le client est invité à cliquer sur le bouton « appelez-moi » pour être mis en relation avec un conseiller par téléphone. Chaque fiche produit est accompagnée de la désormais classique rubrique « commentaires », pour l’instant généralement vide en raison du lancement récent du site. Un autre site de vente de chaussures (racheté par Amazon en 2009), l’américain Zappos, va plus loin dans ce registre. Les clients de Zappos peuvent classiquement noter globalement le produit acheté, mais aussi donner une note sur le critère du confort et une autre sur celui du "look". Ils sont également invités à remplir un bref questionnaire sur le confort du produit. Cela autorise en retour le site à afficher, par exemple concernant le modèle Carmel de la marque Keen, que 60 % des acheteurs répondants estiment que la pointure réelle est en réalité inférieure d’une demi-taille à la pointure annoncée, que la largeur de la chaussure est jugée correcte pour 80 % d'entre eux et que le support de la voûte n’est que "modéré" pour 84 % des répondants.


Passons sur la livraison gratuite en 24 heures, les retours gratuits (avec remboursement des frais de réexpédition), les « prix bas garantis »… Javari se distingue à nos yeux avant tout pour être le premier vendeur de chaussures (à notre connaissance) qui « garantisse » ses produits un an. En effet, le site s’engage à reprendre dans les 365 jours suivant l’achat « les articles qui présentent des dommages ou malfaçons ne correspondant pas à l'usure normale ». Avec cette garantie, Javari certes n’en est pas encore à vendre un usage plutôt qu’un produit (la garantie devrait alors être plus longue encore et devrait intégrer des dispositions relatives à l’usure), mais réalise un pas significatif  en direction d’une économie des effets utiles en assurant les clients que les produits fourniront les effets attendus durant une période d’au moins un an.

 

Qui dit mieux ?

 

 

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12 septembre 2010 7 12 /09 /septembre /2010 10:06

Les équipes de Carrefour ont donc rendu leur copie. L’ouverture fin août des deux « Carrefour Planet » d’Écully et de Vénissieux est la première manifestation visible du plan « réinventer l’hypermarché pour enchanter nos clients » lancé en 2009 par le numéro deux mondial de la distribution. La presse s’en est fait largement l’écho (assurant ainsi une belle promotion à l’enseigne…). Pour une visite en vidéo et en photos, je vous renvoie vers l’excellent site d’Olivier Dauvers, qui consacre sa dernière Vidéo Grande Conso à l’évènement.

Si c’est Carrefour qui se trouve aujourd’hui sous le feu des projecteurs, les autres groupes d’hypermarchés ne sont pas inactifs. Auchan a lancé cette annéePriba, un concept d’hypermarché hard-discount, et teste à Vélizy une nouvelle formule d’hyper qui a beaucoup en commun avec la mouture Carrefour Planet. Géant n’en finit pas de remettre à l’ouvrage son nouveau concept lancé à Clermont-Ferrand en 2007 et approfondi à Pessac en 2008, et dont on peut voir une forme très aboutie au sein d’un centre commercial Odysseum de Montpellier. Mais pourquoi donc s’échiner à « réinventer l’hypermarché » ?

Parce que l’hypermarché va mal. Certes, rien de catastrophique. Les fermetures en chaîne de son pas à l’ordre de jour, et la faillite des grands acteurs du secteur moins encore. Il s’agit d’un mouvement de lente mais significative érosion des parts de marché. Cette érosion est observée sur le cœur de métier qu’est l’alimentaire, même si la situation sur ce front s’est depuis peu quelque peu améliorée. Mais l’érosion est également perceptible – et parfois très significativement – dans le non-alimentaire. L’habillement, l’électroménager, les produits culturels… sont particulièrement touchés, sans parler du bricolage ou des articles de sport où les hypers, depuis plusieurs années déjà, ont jeté l’éponge.

Comment en est-on arrivé là ? Et, les contrefeux allumés et qui se manifestent notamment par le lancement de nouvelles formules seront-ils en mesure d’endiguer la tendance ?

La première explication de cette érosion est à rechercher du côté de l'épuisement du potentiel de croissance  d'un format qui, désormais, assure un maillage serré du territoire national. Le corollaire de la dynamique des parts de marché est le très sensible ralentissement de la croissance du parc de points de vente, dont l'essentiel est, depuis plusieurs années déjà, assuré par la transformation de supermarchés en hypermarchés. SI cette première explication peut expliquer le ralentissement de la croissance, elle ne suffit pas à rendre compte de la tendance à la perte de parts de marché.

Un autre faisceau d'explications du recul des hypers tient au déphasage qui s'est progressivement affirmé entre les caractéristiques du format et un certain nombre d'évolutions sociétales.

Sur le plan démographique, la réduction de la taille des ménages et le vieillissement de la population (responsable, selon l’INSEE, d'environ la moitié de la réduction de la taille des ménages) réduit la portée des atouts du format en matière de massification des achats. Le couple bi-actif avec deux enfants, habitant en périphérie et se déplaçant en automobile, s’il existe toujours, n’est plus hégémonique dans le profil sociodémographique des consommateurs.

Sur un plan plus immatériel, l'hypermarché a en son temps incarné la modernité, l’abondance matérielle pour chacun (après des années de pénurie), le bonheur dans la consommation. Les consommateurs d’aujourd’hui ne sont pas sensibles aux mêmes imaginaires. L’hyper a perdu de sa magie. Il est au contraire de plus en plus perçu comme inhumain, peu confortable, et poussant à la dépense, voie au gaspillage. Bref, pour beaucoup, le fréquenter est désormais perçu comme s’inscrivant de la logique de la corvée, une corvée que l’on cherche à éviter en développant d’autres stratégies d’approvisionnement (ce qui profite, notamment, au e-commerce).

La flambée du prix de l’essence intervenue en 2007-2008, si l’on en croit les distributeurs eux-mêmes, aurait révélé un autre talon d’Achille de l’hyper : le coût tendanciellement croissant de la mobilité automobile, que les consommateurs intégreraient dans le calcul du prix des courses, conduirait à des arbitrages favorisant les formes de vente de proximité.

Mais le mal est sans doute plus profond encore. L'hypermarché éprouve des difficultés à passer « de la distribution de masse au commerce de précision », pour reprendre l’heureuse expression de Jean-Charles Naouri, le patron du groupe Casino. L’hypermarché est la figure emblématique de la distribution de masse qui a émergé au début des « trente glorieuses », dans le contexte d’une économie « fordienne » et d’une société « moderne ». La formule s’est bâtie autour de l’idée de satisfaire au meilleur prix les besoins en produits standardisés d’une classe moyenne alors en rapide croissance démographique et économique, et constituant une clientèle très homogène sur le plan des attentes et des comportements. Depuis, la société a considérablement changé et la structure sociale s’est complexifiée. Il existe encore – et il existera toujours – une classe moyenne, au sens de l’échelle des revenus. Mais sur le plan sociologique, le passage à une société de personnes, a conduit à une formidable différenciation des valeurs, des modes de pensée, des registres d’action, des imaginaires, des aspirations… et au final des attentes et des comportements de consommation. Continuer de cibler la fameuse ménagère de moins de 50 ans, qui a pu être dans le passé la figure exprimant les attentes de millions de consommateurs, revient aujourd’hui à ne s’adresser qu’à un segment de marché. Le grand défi que le commerce affronte depuis plusieurs années déjà est de réussir à s’adapter à cette hétérogénéité de la demande, et de créer ainsi un commerce de précision. Archétype de la distribution de masse, l’hyper est doublement handicapé dans cette transition : 1) par l’inertie mentale qui, classiquement, caractérise des entreprises ayant connu une croissance spectaculaire par l’application rigoureuse d’un modèle économique et qui occupent une position de leader sur leur marché et 2) parce que la massification est au cœur du modèle économique, et que la taille des points de vente n’autorise pas de choisir ses clients, d’adopter de partis pris différenciateur permettant de capter la préférence de cibles précisément définies au risque de perdre la clientèle d’autres catégories de consommateurs. L’hyper souffre donc de la concurrence multiforme des concepts misant sur la segmentation/différenciation, qui proposent une offre commerciale répondant avec plus de pertinence à la spécificité de chaque type d'attentes. Par exemple, dans l’alimentaire, le hard-discount a ainsi réussi à capter la clientèle des hypers la plus sensible aux prix. Mais, l'évasion s'opère également en direction des enseignes de produits bio, des concepts positionnés sur la praticité, des enseignes exploitant le registre de la gourmandise ou celui de la fraicheur... Le même phénomène explique le recul des hypers sur la plupart des grandes familles de produits non-alimentaires : les grandes enseignes de l'habillement (Zara, H&M, Etam, Un jour Ailleurs, Jenyfer...), chacune en labourant un périmètre qui lui est propre, assurent collectivement un traitement intensif du marché qui met en difficulté l'offre "holistique" des hypermarchés. Les hypermarchés sont ainsi confrontés au défi du délicat passage du "plaire à tous" au "plaire à chacun"…

Un temps sous-estimée, la crise de l'hyper est désormais prise au sérieux par les groupes de la distribution alimentaire qui, chacun à sa manière, réfléchissent à la manière de relancer la dynamique du format et procèdent à des expérimentations. La persistance de la dégradation des performances, couplée au rajeunissement des équipes, a fini par venir à bout de l’inertie mentale. Le démarche lancée par Carrefour en 2009 et dont les magasins de la région de Lyon sont donc un premier aboutissement se déploie autour de 5 axes : passer de courses pénibles à des courses plaisir, enrichir le service commercial, développer les rayons de produits frais, animer le point de vente, et affirmer une vocation de spécialiste sur chaque catégorie de produits traités. De son côté, Auchan afin de "réenchanter l'hyper", a défini un ensemble de 14 "partis pris d'enseigne" sur lequel le groupe a décidé de concentrer ses efforts pour affirmer son identité, répondre aux attentes des clients tout en se différenciant. Les origines du mal semblent donc avoir été comprises.

La réforme de l’hyper emprunte deux voies principales. La première consiste dans la mise en œuvre de ce que nous avons proposé d’appeler la « stratégie du couteau suisse ». Elle consiste à tenter de répondre à la diversité des attentes, au sein même du point de vente, en jouant sur la composition des assortiments, en créant des zones spécifiques visant tel ou tel type de clients, telle ou telle catégorie d’attentes. Auchan a été l'un des premiers à expérimenter cette stratégie à grande échelle par l'implantation d'espaces "self- discount" au sein de ses magasins afin de répondre aux attentes des clients les plus sensibles au prix et d’enrayer leur évasion vers le hard-discount. L’hyper Géant d’Odysseum comporte en son sein, implanté dès l’entrée du magasin, un espace bio, un « shop in the shop » permettant de capter la clientèle sensible à cet univers de consommation en leur offrant un accès facile aux produits recherchés sans avoir à parcourir l’ensemble de la grande surface. De la même manière se multiplient les espaces hallal et casher, les rayons habillement se déclinent par style…

Une seconde voie d'adaptation consiste à mettre fin au caractère très homogène du format, en créant différents concepts d'hypermarchés faisant entrer le format à son tour dans une logique de segmentation/différenciation. Là encore, Auchan est fer de lance : une distance considérable sépare la nouvelle mouture de l'hyper de Vélizy - très centrée sur le choix, le confort d'achat, l'animation... - et la nouvelle enseigne, Priba, qui s'efforce d'adapter le concept hard-discount à l'hypermarché. A ce titre, il semble douteux que le Carrefour Planet devienne le modèle vers lequel serait appelé à converger l’ensemble des hypers Carrefour. L’étape suivante de la stratégie de Carrefour pourrait être le lancement d’un autre concept d’hyper, sans doute davantage centré sur le prix bas.

A ce jour, ces différentes voies d'adaptation n'ont pas encore suffi à retourner la tendance à l'érosion des parts de marché, tout au moins dans le non-alimentaire. Le recul manque pour juger réellement de leur pertinence et, plus généralement, du caractère "réformable" de l'hyper. En tout état de cause, certains groupes de la grande distribution alimentaire ont commencé à réduire la voilure, principalement en diminuant la surface de points de vente de grande taille, préférant à un maigre rendement au m2 des revenus élevés issus de la location des surfaces ainsi libérées. C'est le non-alimentaire qui est alors sacrifié, avec une réduction importante de la surface accordée aux rayons souffrant du plus faible rendement. Il est sans doute significatif que l’énergie des groupes de distribution alimentaire au cours des dernières années se soit très largement porté vers la création et le déploiement de concepts de proximité (U Express, Chez Jean, Carrefour City…). La modernité semble définitivement avoir changé de bord.

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19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 14:55

Cahier de Recherche du Crédoc, n° 261, décembre 2009, 124 pages.


Ma dernière publication, dans laquelle je m'interroge sur le rôle que joue la vente à distance (et le e-commerce en particulier) dans la révolution commerciale en cours. Une occasion pour moi de préciser ce que j'entends par "révolution commerciale" et quels en sont les contours et les perspectives. Un galop d'essai pour mon prochain livre que j'espère finir avant la fin de l'année....


Résumé :

Une révolution commerciale est en cours. Le commerce s’écarte progressivement d’une fonction de distribution en masse de produits industriels pour adopter une orientation-client qui le fait entrer dans une perspective servicielle. Secteur profondément affecté par les technologies de l’information et de la communication , la vente à distance (VAD) constitue un point d’observation privilégié de la révolution commerciale en cours.
Après avoir rappelé comment les mutations économiques et sociétales orientent les transformations du commerce, ce travail procède à l’identification des modèles économiques en vigueur dans ce secteur, et en particulier dans la vente à distance où règne un foisonnement de modèles originaux. On s’intéresse ensuite à l’analyse de la révolution commerciale en cours et au rôle que la VAD y tient. Cette révolution s’opère en deux étapes. La première, largement engagée, consiste à tenter de répondre avec précision à la diversité des attentes des consommateurs. La seconde, encore à peine balbutiante, consistera à faire du commerce un fournisseur d’effets utiles et de solutions aux problèmes que rencontrent les clients. Si la VAD est aujourd’hui, à bien des égards, en pointe dans l’expérimentation des nouveaux modèles économiques, elle n’a pas vocation à devenir hégémonique, mais plutôt à trouver sa place dans une chaîne servicielle encore en construction.

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