Le modèle de la grande distribution atteint aujourd’hui ses limites. Alors que le potentiel de croissance est saturé, ce modèle est confronté aux évolutions de la société qui ont progressivement ébranlé les fondements de la consommation de masse. Plus fondamentalement, la grande distribution doit s’adapter à un nouveau capitalisme et aux nouveaux fondements de la création de valeur et aux nouvelles technologies-clés qui lui sont associés. Une révolution commerciale est en cours qui changement en profondeur le visage de l’appareil commercial et les modèles économiques d’entreprise, mais aussi l’architecture des filières qui mènent la satisfaction des besoins de ménages, remettant en cause les frontières sectorielles, verticales et horizontales, établies. Les distributeurs sauront-il négocier ce virage et faire de cette nouvelle révolution commerciale un facteur de relance de leur dynamique ?
Le secteur du commerce est engagé dans un épisode de transformation profonde. Il doit faire face à l’accélération des changements dans les comportements de consommation qui remettent en cause les fondamentaux du modèle de consommation de masse sur lequel s’est appuyé le développement de la grande distribution alimentaire et non-alimentaire. Cette évolution intervient alors que les entreprises de la grande distribution, qui ont épuisé leur potentiel de croissance sur le marché domestique, éprouvent les limites de leur modèle économique (le modèle du « discount »). Dans le même temps, elles sont confrontées aux transformations plus générales du capitalisme : le capitalisme industriel fordien dont elles sont issues pour la plupart, a cédé la placer à une économie où la création de valeur repose fondamentalement sur la capacité à générer et à exploiter des actifs immatériels tels que des compétences rares, des marques fortes, un capital relationnel solide… avec en toile de fond la diffusion tous azimuts des technologies de l’information et de la communication. Ce nouveau contexte impose aux entreprises du secteur de la distribution de réviser en profondeur leurs stratégies, d’inventer de nouveaux concepts commerciaux, voire des modèles économiques alternatifs. Elles sont engagées dans une véritable « révolution commerciale » qui accouchera d’un paysage commercial profondément remodelé ainsi que de la transformation de l’architecture des marchés de consommation (notamment dans les modalités de la division du travail entre le stade de la production et celui de la distribution).
Fondamentalement, cette révolution commerciale correspond au basculement du monde du commerce d’une logique centrée sur les produits à une « orientation-client ». Ce mouvement s’opère en deux étapes. La première consiste dans le passage d’une distribution de masse à un commerce de précision, consistant à exploiter intensivement chaque segment de marché par la construction d’offres dédiées, et permettant d’amorcer la construction de modèles économiques reposant sur la création de valeur ajoutée par la différenciation et la fidélisation de la clientèle. La seconde étape consiste dans l’adoption de modèles serviciels, consistant à inscrire la relation marchande dans la perspective de la fourniture aux consommateurs, non pas de produits en soi, mais d’effets utiles ou de solutions plus ou moins intégrées à des problèmes de consommation ciblés.
Ce contexte exige un important effort d’adaptation de la part des entreprises de la distribution qui met à l’épreuve leur capacité à surmonter les facteurs d’inertie mentale, organisationnelle et cognitive. Si la nouvelle donne est incontestablement une source d’opportunités pour les entreprises de la distribution afin de relancer leur dynamique de croissance, elle comporte aussi des risques importants de remise en cause de leur leadership dans la satisfaction des besoins des ménages, car des acteurs de tous les secteurs de l’économie œuvrent aujourd’hui pour jouer le rôle « d’intégrateur » au service des consommateurs.