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Ce blog va bientôt cesser d'exister, tout du moins de manière autonome. Le blog de l'Observatoire Société et Consommation (L'ObSoCo) prend progressivement la suite. D'ores et déjà les archives de ce blog y ont été transférées et chaque nouveau billet posté ici est également publié sur le site de l'ObSoCo. Je partagerai le blog de l'ObSoCo avec Nathalie Damery et Robert Rochefort, qui ont fondé avec moi l'Observatoire Société et Consommation, ainsi qu'avec l'ensemble des membres du Cercle de l'ObSoCo... A suivre !!

 

 

http://www.asso-lobsoco.org/le-blog-de-l-obsoco.html

 

 

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26 octobre 2009 1 26 /10 /octobre /2009 12:01

Article publié le 26 octobre 2009 sur le site LesEchos.fr
http://www.les-cercles.fr/economie/economie-societe/conjoncture/1300-reinventer-le-consumerisme

 

   

Le gouvernement a ouvert le chantier de la politique consumériste. Le projet d’Hervé Novelli, qui sera précisé le 26 octobre lors des Assises de la consommation, consiste à restructurer le paysage des associations de consommateurs – jugé trop émietté – et à renforcer les dispositifs de médiation (on évoque le rapprochement de l’Institut National de la Consommation, de la Commission de Sécurité des Consommateurs, de la DGCCRF…). L’objectif affiché est d’améliorer l’efficacité de l’édifice institutionnel assurant la protection des consommateurs. Cet édifice a été bâti pour l’essentiel dans le courant des années 1960, à l’heure du capitalisme industriel, alors que la France entrait de plain-pied dans la société de consommation. Depuis, la consommation et les consommateurs ont bien changé. La consommation s’est « tertiairisée », les biens manufacturés ne représentant plus que 40 % des dépenses des ménages. Les motivations d’achat ont fait de plus en plus de place aux considérations immatérielles et symboliques : à la recherche de la satisfaction de besoins de base et du confort matériel s’est ajoutée celle du bien-être psychologique et la quête de sens. Les pratiques des entreprises se sont considérablement sophistiquées, que ce soit en matière de conception des offres (de plus en plus « globales » et personnalisées), de politiques tarifaires et promotionnelles, de modes de distribution, de contractualisation…  Il n’est pas sûr que le mouvement consumériste ait su évoluer au même rythme. Les initiatives les plus novatrices ces dernières années sont pour beaucoup intervenues hors du cadre institutionnalisé, à l’initiative d’associations militantes non patentées ou, plus spontanément, au travers des réseaux sociaux sur Internet, voire des entreprises elles-mêmes au moyen de leurs politiques de labellisation de leurs offres et de fidélisation de leur clientèle…

 

La charge d’informer, protéger, défendre les consommateurs doit évoluer. L’enjeu est double. Tout d’abord, la force politique potentielle que représentent les consommateurs est d’autant plus importante que les autres contrepouvoirs reculent. Si les salariés sont mis en concurrence à l’échelle planétaire, les consommateurs disposent toujours du pouvoir d’acheter ou pas, et ainsi de valider ou non les stratégies de création de valeur des entreprises. Les organisations militantes, altermondialistes ou écologistes, ont bien perçu cet enjeu stratégique de la consommation. L’Etat lui-même voit dans le renforcement du pouvoir des consommateurs un instrument de régulation des marchés, susceptible, en les rendant plus concurrentiels, de peser sur les prix et d’accroître le pouvoir d’achat. Renforcer l’efficacité du mouvement consumériste, adapter ses structures, ses outils, ses modes d’intervention à ce qu’est devenu la consommation est donc faire œuvre utile.

 

Mais l’essentiel n’est peut-être pas là. Désormais, chacun le sait, nous devons de manière urgente réviser nos modèles de consommation afin de rendre compatibles les aspirations de la population à une satisfaction toujours améliorée de ses besoins, les impératifs de croissance et de rentabilité des entreprises et l’impérieuse nécessité de faire face à défi écologique. Adopter une approche proactive de cette refondation des modèles de consommation n’est pas seulement faire preuve de responsabilité face à la menace qui pèse sur l’humanité ; c’est aussi un véritable levier de politique industrielle tant il s’agit ici de découvrir de nouveaux modèles économiques destinés à s’imposer très rapidement au cœur de la concurrence mondiale.

 

Parallèlement à la montée en puissance des normes environnementales, il convient de réfléchir aux moyens de sortir d’une économie du quantitatif qui lie entreprises et consommateurs à l’idée que les profits des unes et le bien-être des autres reposent sur l’augmentation continue des quantités vendues et consommées. L’économie contemporaine reste très profondément marquée par les ressorts du capitalisme industriel. Les marchés de consommation continuent pour l’essentiel de s’organiser autour des produits (biens ou services), et la relation marchande autour de la transaction, de l’acte d’achat qui n’est que la première étape du processus de consommation. La vie des consommateurs après l’achat, les effets utiles (positifs ou négatifs) qu’ils en retirent, les effets externes sur l’ensemble de la société… ne sont que très partiellement pris en compte dans des stratégies d’offre trop exclusivement concentrées sur la stimulation de l’achat. Une piste de réflexion pour un modèle de consommation durable est de favoriser le déplacement de l’objet de la relation marchande du produit vers l’usage, vers l’apport de solutions aux besoins des consommateurs. Autrement dit, recentrer la relation marchande autour de la production des effets utiles[1]. Par exemple, il s’agit moins de vendre une machine à laver que de satisfaire le besoin de nettoyer le linge ; moins de vendre de l’énergie que le confort domestique ; moins de vendre un CD qu’un accès à de la musique… Ce faisant, les revenus des entreprises ne sont plus directement liés à la quantité des produits vendus, mais à l’efficience des solutions proposées aux clients. Dans les formes élaborées de marchés de solution, le prestataire demeure propriétaire des ressources nécessaires à la production des effets utiles : la vente de services se substitue à la vente de biens et la rentabilité du prestataire dépend du zèle qu’il met à économiser les ressources pour produire les solutions. Le développement durable internalisé au cœur du modèle économique… L’expérience Vélib’, qui s’inscrit dans cette logique, est à méditer.

 

La pression de la concurrence contraint déjà les entreprises de nombreux secteurs à adopter une « orientation client », à mettre en avant leur capacité à produire des effets utiles pour leurs clients, tout en s’efforçant de se montrer « socialement responsables ». Mais, si cette démarche est très avancée dans le BtoB, elle n’est encore qu’embryonnaire sur les marchés de consommation. Il est urgent d’accélérer le mouvement. Pour cela une vague d’innovations institutionnelles est nécessaire, notamment pour définir les conventions visant à mesurer les effets utiles produits par les offres, pour canaliser les modalités de la concurrence sur les marchés vers cette logique servicielle, pour adapter le droit de la concurrence et le droit de la consommation à des formes renouvelées de la relation marchande susceptibles de générer de nouvelles sources de pouvoir de marché… Les difficultés à faire émerger de telles conventions concernant le bilan carbone des produits témoignent de la lourdeur de la tâche. Ces innovations institutionnelles exigent dialogue et compromis entre l’ensemble des parties prenantes ; leur mise en œuvre suppose l’intervention d’organisations crédibles en charge de l’évaluation, de la mesure, de l’information… Un mouvement consumériste rajeuni, reflétant la diversité des sensibilités traversant la société civile – y compris celles situées aujourd’hui hors du cadre –  peut et doit jouer un rôle central dans un tel processus.

 

 Ph. Moati

 


[1] Voir Ph. Moati, « Cette crise est aussi une crise du modèle de consommation », Les Temps Modernes, octobre 2009.

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E
J'apprécie votre blog, n'hésitez pas a visiter le mien.<br /> Cordialement
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