Oui. Pour 2012, c'est très mal parti. Après des années de polémiques entre le pouvoir d'achat ressenti par les Français et le pouvoir d'achat mesuré par les économistes, 2012 risque de mettre tout le monde d'accord. Rapporté par ménage, le pouvoir d'achat pourrait reculer, ce qui n'a pas été le cas en 2009-2010. Du côté du revenu disponible, il n'y a pas de miracle à attendre : va se combiner une croissance économique, au mieux très molle, et la montée en puissance des mesures de rigueur annoncées, avec une hausse des impôts et une réduction des prestations sociales. Du côté des prix, la dynamique est plus incertaine. Certes, il va y avoir une petite hausse du taux réduit de TVA sur certains produits. Mais l'on observe actuellement un reflux du cours des matières premières énergétiques et alimentaires, qui pourrait jouer positivement dans les prochains mois. En revanche, l'histoire ne sera plus la même si les cours remontent, tirés par des pays émergents qui resteraient épargnés par la crise et si la dépréciation actuelle de l'euro se poursuivait, renchérissant le prix des produits importés. Le pouvoir d'achat serait alors sanctionné côté revenu et côté prix.
Les Français ont le sentiment de s'appauvrir depuis plusieurs années et ont déjà modifié leurs comportements. La tendance va se poursuivre. Cela passe par une sensibilité accrue aux prix et par des comportements d'arbitrage. Mais les marges de manoeuvre sont faibles. Car les dépenses contraintes (loyer, alimentation de base, essence, télécoms) ont tendance à s'accroître, tandis que beaucoup de Français cherchent à préserver au maximum les dépenses « plaisirs » (sorties, vacances...). L'essentiel des sacrifices va donc se faire dans les dépenses du quotidien, c'est-à-dire sur ce que l'on achète dans les supermarchés. Mais être obligé de se serrer la ceinture sur des produits de grande consommation est dévastateur sur le plan psychologique et renforce le sentiment de paupérisation. Reste à savoir si les Français vont puiser dans leur bas de laine pour maintenir un certain niveau de consommation, comme ils l'avaient fait en 2008. Aujourd'hui, l'anxiété est très forte et incite à l'épargne de précaution.
Si le critère prix l'emporte au moment de l'acte d'achat, les Français se déclarent de plus en plus sensibles à la qualité des produits. Ils prennent peu à peu conscience qu'acheter moins cher n'est pas forcément toujours avantageux. Le « made in France » peut donc avoir du potentiel. Mais encore faut-il que les Français bénéficient d'une contrepartie au fait d'acheter français. Il faut conclure un pacte entre les consommateurs et les industriels : au-delà de la localisation de la production, les produits doivent aussi correspondre à un engagement de qualité. Pourquoi ne pas étendre significativement la durée de la garantie sur les biens « made in France » ?