Cela faisait bien longtemps (depuis le magasin Carrefour de Melun Sénart à la fin des années 90 ?) que le concept hypermarché n'avait pas fait l'objet de tentatives d'innovation significatives. Il est vrai que la vague de panique entraînée au cours de la première moitié des années 2000 par la perte de terrain des hypers face à la forte progression du hard-discount avait plutôt eu pour effet d'amener les distributeurs à renouer avec l'orthodoxie : mettre la pédale douce sur l'innovation et restaurer la compétitivité-prix, tant au niveau des étiquettes qu'à celui de l'image-prix renvoyée par l'aménagement du point de vente. Ceci au détriment de l'approfondissement de la réflexion sur les moyens d'adapter ces paquebots du commerce aux nouveaux comportements de consommation et d'accroître la différenciation entre les enseignes, le meilleur rempart contre une concurrence frontale par les prix destructrice de rentabilité.
Signe que, sans doute, la grande distribution est en train d'amorcer un virage (ou, plutôt, de renouer avec une dynamique amorcée dans les années 90), le groupe Casino reprend l'initiative de l'innovation dans le format hyper avant l'inauguration d'un nouveau concept à Clermont Ferrand. Le groupe réalise en fait ici la synthèse d'un certain nombre d'expérimentations menées ici et là depuis deux ans dans différents magasins de son réseau. L'effort d'innovation se concentre sur les deux univers de consommation les plus stratégiques pour la périnnisation de la croissance et de la rentabilité : le non-alimentaire et les produits frais. Le renouvellement de l'approche du non alimentaire est particulièrement sensible dans les univers de la maison, de la culture ou encore de l'habillement. Les codes couleurs, le mobilier, la "théâtralisation" des produits... concourrent à créer une identité forte pour chacun de ces univers de consommation et participe d'une tendance à la "départementalisation" de l'hyper. Le traitement des produits frais reprend un certain nombre d'idées expérimentées dans le concept Le marché de Casino. L'approche se veut qualitative : le choix est important, les fruits et légumes sont présentés sur table, les produits fragiles sont brumisés et - réponse à la demande de rassurance et à la quête de sens - on retrouve une signalétique mettant en avant l'identification des producteurs. Une gamme étendue de produits de snaking est mise en valeur sous le label L'instant express. Le magasin est spatieux, confortable, la décoration soignée, la signalitique repensée, la circulation plus respectueuse de la diversité des motifs de fréquentation (trois entrées). Conscients du risque de véhiculer une image-prix pénalisante, les promoteurs du nouveaux concepts ont multiplié les "stops-rayons" affichant la promesse du remboursement de 10 fois la différence pour les clients qui trouveraient moins chers ailleurs...
On demeure certes dans une logique l'innovation plus incrémentale que radicale. Les premières semaines d'exploitation semblent témoigner d'une forte attractivité du nouveau concept. Si le succès se confirme, ce Géant nouvelle formule pourrait marquer le point de départ d'une nouvelle orientation de la dynamique concurrentielle au sein du secteur. La mobilisation de l'énergie innovatrice de l'ensemble des acteurs pourrait alors conduire à une révision plus profonde des fondamentaux du concept hyper, avec à la clé, peut-être, une chance de remettre cet archétype de la distribution de masse davantage en phase avec les fondamentaux de la consommation d'aujourd'hui.
Pour une visite virtuelle du magasin, je vous recommande vivement de visualiser la vidéo proposée par Oliver Dauvers sur son excellent site consacré à l'actualité de la distribution et de la grande conssommation, en cliquant ici...