Chronique L'Usine Nouvelle, 18/12/2008
Les débats autour du plan de relance du gouvernement ont principalement porté sur le choix de favoriser l'investissement plutôt que la consommation. On retrouve là les discussions classiques sur les moyens les plus efficaces d'assurer une relance keynésienne. Mais est-ce bien là la question essentielle ? A très court terme, l'urgence, il est vrai, est de soutenir des secteurs dont l'activité s'est effondrée à une vitesse stupéfiante. Mais, comme l'illustre le cas de l'automobile, l'arbre de la récession ne doit pas cacher la forêt d'une crise plus profonde, qui touche au coeur d'un certain modèle économique qui s'épuise. Une crise qu'une simple stimulation de la demande sera bien impuissante à endiguer. L'innovation est la grande absente du plan gouvernemental. Le mot ne figure que trois fois dans le dossier de presse de l'Elysée. Pourtant, plus que jamais, l'innovation doit être au coeur des politiques publiques. Une innovation à trois niveaux.
1. L'innovation technologique. Le plan, sur ce point, porte principalement sur l'accélération de la rénovation immobilière de l'université. Seulement 226 millions d'euros visent plus directement la recherche (grands équipements et technologies de défense).
Est-il nécessaire de rappeler que, face à la concurrence de pays à bas salaires en train de se doter de régiments de main-d'oeuvre qualifiée, notre compétitivité ne peut reposer que sur la capacité des entreprises à avoir toujours une longueur d'avance en matière d'innovation ? La dégradation de la balance commerciale, bien antérieure à la crise, nous intime de nous mobiliser en faveur de l'éducation, de la recherche et de l'innovation.
2. L'innovation dans les modèles économiques. L'histoire du capitalisme témoigne du fait que les crises graves, au-delà de l'écume des crises financières qui les déclenchent, correspondent à des épisodes de mutation du système économique. En dépit de la stratégie de Lisbonne, l'Europe et la France sont encore loin d'avoir réussi leur entrée dans l'économie de la connaissance.
Le capitalisme contemporain est également une économie du service. Le plan de relance est bien silencieux sur le soutien qu'il apporte au secteur des services, pourtant peu perméable aux importations et riche en emplois. Pire, la prime à la casse consacre, dans l'automobile, un modèle industriel à bout de souffle alors que l'urgence est d'accélérer le basculement de ce secteur dans un modèle serviciel (vendre de la mobilité plutôt que des voitures).
Enfin, la prochaine étape de l'histoire du capitalisme sera verte. C'est sans doute la dimension la mieux représentée dans le plan de relance. Mais les leviers demeurent traditionnels (l'investissement dans les infrastructures), alors qu'il convient d'engager les entreprises à bâtir leur compétitivité sur de nouveaux principes, à expérimenter des modèles économiques à la fois rentables et durables.
3. L'innovation institutionnelle. La crise de 1929 et le New Deal sont souvent mis en avant. Pourtant, la crise actuelle n'est pas la crise de 29. Le caractère révolutionnaire du New Deal fut d'incarner une prise de conscience de ce que la crise appelait une innovation institutionnelle, au travers d'une refonte profonde du rôle de l'État, via les politiques de régulation keynésiennes et la protection sociale. La crise actuelle n'appelle pas tant une réédition du New Deal que l'engagement d'une vague d'innovations institutionnelles qui définiraient, sur de nouvelles bases, la place et les modalités de l'intervention publique afin d'inventer les formes de régulation adaptées au nouvel âge du capitalisme. Voici le grand absent du plan de relance, qui témoigne des limites indépassables, dans une économie mondialisée, d'actions définies au niveau national